
C’est une fresque familiale pleine de rebondissements et qui court sur plusieurs années que propose Verdi. Elle est marquée par le thème de la malédiction à l’instar de Rigoletto.
L’histoire : Don Alvaro vient chercher sa chère Leonora pour s’enfuir avec elle mais le père de la jeune fille intervient et il est mortellement touché par un pistolet tombant au sol… Don Carlo, le frère de Leonora, jure de tuer les deux amants et il va les poursuivre avec acharnement pendant le reste de sa vie.
De suite, nous allons plonger dans un opéra sombre. La mise en scène d’origine de Jean-Claude Auvray (2011) et reprise cette année par Stephen Taylor est effectivement assez dépouillée, très sobre : le fond de scène est souvent vide, les chanteurs jouent peu entre eux, l’espace du plateau semble immense entre eux et les lumières sont concentrées sur les chanteurs laissant de grands espaces sombres. Néanmoins certains passages sont assez vivants comme dans la scène du village d’Hornachuelos. Surprise dès le lever du rideau, l’orchestre attaque directement la musique de l’acte 1 et l’ouverture sera jouée ensuite… Choix de la production est il dit… Quoiqu’il en soit le peu de décor et le manque de direction d’acteurs contribuent à ce que cet opéra de 3 h semble beaucoup plus long qu’il ne l’est.
Le casting retenu est de haut niveau avec en tête le baryton Ludovic Tézier qui un Don Carlo époustouflant. A la fois précis dans sa diction et puissant pour ce rôle. Son ‘Finalmente’ dans l’acte IV est d’une éloquence rare. C’est le préféré du public. Face à lui, c’est Russell Thomas qui débute à l’Opéra de Paris qui joue Don Alvaro et il s’en sort avec les honneurs, le ténor possède en effet une belle technicité qui lui permet d’affronter les difficultés du rôle avec sérénité même s’il semble un peu souffrir en fin de spectacle. Le père est interprété brillamment par James Creswell avec sa profonde voix de basse. Ferruccio Furlanetto incarne le père Guardiano avec beaucoup d’humanité, c’est sans doute le chanteur qui développe le jeu le plus conséquent dans cet opéra et sa belle voix de basse est toujours un plaisir. Nicola Alaimo en Fra Melitone charme le public avec un timbre et une voix bien posés.
La seconde surprise viendra de la diva Anna Netrebko (Leonora) dont la diction aléatoire chatouille désagréablement les oreilles qui comprennent l’italien. Sa prestation du dimanche 18 décembre est plutôt inégale : autant dans les actes I et II, elle est magnifique avec des médiums et des graves remarquables pour une soprano, autant dans le « Pace, pace’ son grand air du final est assez neutre et manque d’éclat. Elena Maximova semble particulièrement à l’aise dans le rôle de Preziosilla et sa présence est pétillante. Julie Pasturaud est Curra, sa voix généreuse de mezzo soprano est bienvenue et totalement maitrisée.
Le chœur de l’Opéra de Paris, préparé par Ching-Lien Wu, a un rôle particulièrement important, très présent sur scène en tant que soldats, paysans, moines, mendiants, vieillards. Il propose une base solide sur laquelle s’appuie les chanteurs. La direction musicale de Jader Bignamini est assez puissante, elle met en avant les instruments à vents au détriment des cuivres.
A l’Opéra Bastille jusqu’au 30 décembre 2022.
