
Pourquoi en 2012 une femme âgée de 102 ans décide de se livrer face à des caméras autrichiennes sur des événements qui ont eu lieu il y a plus d’un demi siècle ? Parce qu’elle était au centre de l’Histoire à ce moment là.
Cette femme, c’est Brunhilde Pomsel qui fut une des secrétaires de Joseph Goebbels, le ministre de la propagande nazie pendant la seconde guerre mondiale. Alors oui, elle était bien au centre de l’Histoire même si elle nous confie qu’elle n’a pas eu conscience de toute l’horreur qui s’est déroulée à ce moment là. Comme elle le dit elle même : » Il ne s’agit absolument pas de soulager ma conscience », mais de quoi s’agit il alors ? Elle se décrit comme une jeune femme superficielle et peu intéressée par la politique, qui vote aux élections en fonction de la couleur des banderoles, qui s’inscrit au parti nazi pour faire comme tout le monde, qui lorsqu’elle est devenue secrétaire de Goebbels a entendu parler des camps mais c’était des camps de rééducation… Elle n’a compris que ce qu’il s’était passé bien après les évènements.
La centenaire se livre sans fard, avec une force d’évocation remarquable. Malgré son âge, elle raconte certains épisodes de sa vie avec une profonde acuité, d’autres passages sont plus flous, est ce son grand âge la cause de ce flou ou s’agit il d’une manœuvre calculée ? Témoin d’une époque, elle nous livre sa vérité grâce au texte de Christopher Hampton, issu des entretiens pour la télévision. Le spectateur devra se forger sa propre opinion sur ses propos où l’ambiguïté règne en maitre.
Judith Magre est l’interprète idéale pour ce texte, elle possède l’expérience de personnage seul en scène (on se souvient de Rose) et possède une palette de jeu très large, jouant avec subtilité de toutes les nuances d’émotions possibles. Il faut le dire : Judith Magre est fantastique ! C’est une merveilleuse comédienne dirigée avec délicatesse par Thierry Harcourt qui est son complice depuis quatre pièces.
Quand nous arrivons dans la salle, elle est déjà là assise à son bureau comme perdue dans ses pensées. Quand la pièce démarre, nous ne sommes pas dans le noir total, elle nous voit et son témoignage n’en est que plus vivant, comme si elle attendait nos questions. Et effectivement certaines questions nous brulent les lèvres.
Une pièce majeure pour cette belle rentrée théâtrale !
Au Poche jusqu’au 17 octobre 2021