Que d’eau, que d’eau !!
Nous sommes dans une ville de province qui compte prendre de l’essor grâce à sa station thermale : « Richesse et Prospérité » sont au programme selon le programme établi par le préfet de la ville. Un médecin, le docteur Tomas Stockmann et propre frère du préfet, détecte que l’eau, qui alimente les bassins de la station, n’est pas saine. Il donne l’alerte. Son alerte ne va pas faire un simple ‘plouf’. Elle va déclencher une suite de réactions qui vont submerger le docteur, le laissant dans une position intenable et infernale.
Un ennemi du peuple, d’Henrik Ibsen, a été présenté au public pour la première fois en 1883 et pourtant à la vue de la pièce mise en scène par Jean-François Sivadier sur le plateau de l’Odéon, on se croirait dans notre monde contemporain. Le questionnement d’Ibsen reste étrangement actuel et fait écho à nos préoccupations du moment.
La pièce, qui a fait scandale à l’époque, est un vertigineux rappel de notre situation : le lanceur d’alerte est remis en question afin qu’on n’entende pas l’alerte… Ça ne vous rappelle rien ?
Le texte est fort, on y voit pendant les cinq actes (oui c’est un peu trop long sur le coup mais ça en vaut la peine avec le recul) comment les habitants vont réagir, retourner leur veste, menacer ou essayer de rester neutre et modéré. C’est à la fois un combat fratricide mais aussi le combat d’un homme seul contre tous les autres.
Jean-François Sivadier propose une mise en scène aqueuse à souhait (amis du premier rang méfiez-vous !) mais surtout une mise en scène bruyante et violente qui m’a dérangé sur le coup mais qui prouve son efficacité car c’est l’élément que je retiens maintenant que j’écris cette chronique. Il n’y a pas de demie mesure. c’est assez impressionnant. Les personnages naviguent à vue, dépassés par les évènements, oscillant entre des sentiments contradictoires. C’est très réussi !
Nicolas Bouchaud se livre avec tout l’enthousiasme qu’on lui connait dans cette farce tragique, il est un médecin impliqué, convaincu de son bon droit et d’avoir tout le monde de son côté. Son désenchantement suite à une campagne de déstabilisation de ses opposants, va conduire à une scène d’anthologie où le médecin va exploser au cours de son discours et le pétage de plomb sort un peu du contexte du texte original mais c’est un moment inouï !
Nicolas Bouchaud est fabuleusement entouré : Vincent Guédon, le préfet est parfaitement inhumain avec son propre frère. Stephen Butel est l’imprimeur modéré qui provoque le rire par ses propos hésitants, je l’ai adoré ! Et il y a aussi Sharif Andoura le journaliste de la « presse libre », champion du monde de louvoiement et de retournement de veste.
A voir évidemment !
Au théâtre de l’Odéon, jusqu’au 15 Juin 2019.