Lancer un tribute band est périlleux. C’est encore plus vrai lorsqu’on s’attaque à un monstre
sacré du rock comme Pink Floyd, pratiquement élevé au rang de religion par ses nombreux
fans. La frontière entre un égrenage de chapelet sans intérêt et une relecture hérétique est
mince, mais force est de constater que So Floyd a réussi à produire une alchimie qui frise la
perfection. Les varois ont un son très authentique et fidèle à l’esprit Pink Floyd, ce qui ne les
empêche pas d’instiller ici et là quelques variations plus personnelles surprenantes, mais
bienvenues.
Côté décorum, le groupe n’innove pas vraiment par rapport à d’autres formations du même
type. Les mètres étalons sont encore une fois le mythique concert Pulse de David Gilmour
d’une part, et le non moins mythique The Wall de Rogers Waters d’autre part. L’arrière de la
scène est occupé par un écran géant circulaire auréolé de spots. Le groupe y projette
alternativement des gros plans des musiciens en direct et des films inspirés de l’imagerie
distinctive de Pink Floyd. Passages imposés, on a également droit à l’énorme boule à
facettes et à de nombreux jeux de lumières et de lasers. L’ensemble est plutôt réussi même
si, soyons honnêtes, on sent que la production n’a pas les mêmes moyens qu’un Australian
Pink Floyd par exemple. Cependant, on le verra par la suite, ils compensent largement avec
une maîtrise musicale et un jeu de scène généreux.
Côté formation, ils sont largement à la hauteur de la tâche. Comme lors de Pulse, certains
instruments sont doublés. Se croisent sur scène, le chanteur principal, deux guitaristes,
deux claviers, un bassiste, un saxophoniste, un batteur, un percussionniste et trois choristes.
Tous sont d’un excellent niveau et on sent immédiatement cette passion commune pour Pink
Floyd qui les anime. Sans rien enlever aux autres membres, on peut néanmoins mettre
l’accent sur quelques prestations particulièrement réussies.
Tout d’abord, le leader et chanteur principal. Sa voix est précise et son interprétation
remarquable. Il navigue très à l’aise entre les morceaux chantés initialement tant par Waters
que par Gilmour. Il possède également une présence tranquille mais indéniable sur scène.
Rien ne semble forcé, même lorsqu’il s’amuse à endosser des rôles comme celui du fou en
camisole sur Brain damage ou du dictateur sur The Wall.
Parlons ensuite des deux excellents guitaristes. Ils constituent clairement la colonne
vertébrale de cette formation. Si le groupe arrive à produire un son à la Pink Floyd aussi
réussi, c’est en grande partie grâce à eux . Même avec quelques (rares) imprécisions dans
les bends, on s’y croirait.Citons quelques morceaux où ils s’illustrent particulièrement :
Money, Have a cigar, Young lust ou encore l’incontournable Comfortably numb. Le premier
guitariste se charge également de la lap steel guitar, instrument emblématique de David
Gilmour, et malgré un solo un peu décousu sur High Hopes, il fait montre d’une belle
maîtrise. Le second délivre également quelques belles interprétations au chant comme sur
Money ou Run like hell. Coup de cœur pour Wish you were here, où les deux font une
interprétation pleine d’émotion à la guitare sèche 6 et 12 cordes.
Ensuite, vient le saxophoniste qui à l’instar de son homologue de Pulse joue à la fois du
saxophone alto et basse. Sa maîtrise est tout bonnement bluffante, notamment sur Shine on you crazy diamond. Il se livre également à un très sympathique dialogue avec le chanteur
sur Us and them.
Et pour terminer, il faut rendre hommage au trio de choristes, qui nous livre une prestation
incroyable. Si elles dévoilent tout particulièrement leur talent sur le très réussi The great gig
in the sky, il est sûr que l’ensemble du show n’aurait pas été le même sans leur harmonies
vocales. On assiste également à un contraste saisissant entre la première moitié du
spectacle où elles vont et viennent au gré des morceaux, vêtues de robes blanches
vaporeuses, présence éthérée qui sera remplacée par un défilé glaçant de chemises brunes
au pas militaire pendant la partie axée sur The Wall.
S’il faut être un peu tatillon, on peut évoquer pour les aspects moins convaincants, la section
claviers où l’on a parfois du mal à distinguer qui joue quoi. Petit bémol également pour la
sonorité choisie au tout début de l’intro de Shine on you crazy diamond qui a
malheureusement privé le morceau de son côté aérien. Côté basse, il est dommage que le
niveau sonore de l’instrument pendant le concert n’ait pas toujours permis d’apprécier son
jeu à sa juste valeur d’autant que le musicien nous livre un excellent mais trop court solo sur
Hey you.
Pour la sélection des morceaux, les So Floyd ont choisi d’évacuer la période psychédélique
de Pink Floyd pour se concentrer exclusivement sur la période progressive, c’est-à-dire celle
où le groupe a rencontré le plus de succès. Autre particularité, ils visitent les morceaux
album par album, l’effet recherché étant de pouvoir découper le show en approximativement
4 parties à l’identité visuelle bien distincte (lumières, films, tenues). Le concert débute par
deux morceaux issus de A momentary lapse of reason, enchaîne sur un titre de The division
bell, passe à Dark side of the moon pour six chanson et finit sur 5 titres de The Wall dont les
trois parties de Another brick in the wall jouées d’une traite. Le concert se termine en beauté
sur un rappel de deux morceaux : Wish you were here et Comfortably numb.
C’est donc une set list bien pensée et exigeante que nous livre le groupe. Elle n’est pas
dénuée d’une certaine prise de risque dans la mesure où elle comporte une bonne partie
des titres les plus emblématiques de Pink Floyd, c’est-à-dire précisément là où ils seront
attendus au tournant. Mais encore une fois, le défi est relevé avec brio. Les plus grincheux
regretteront l’absence de morceaux en provenance d’albums un peu délaissés (mais
pourquoi personne, y compris les membres de Pink Floyd eux-même, ne joue jamais
Animals sur scène ?), mais franchement, ce spectacle ravira sans aucun doute les fans,
même les plus intraitables.
En résumé, So Floyd vous fera passer un très bon moment. Avec une maîtrise et une
passion indéniable, il font revivre le groupe mythique le temps d’une soirée. Leur show qui a
réclamé deux ans de travail est emprunt de respect pour Pink Floyd, le tout pour notre plus