
Tout est parti d’une photo… Mais pas n’importe laquelle : une soldate américaine tenant en laisse un prisonnier iraquien dénudé qui se tient au sol dans la prison d’Abou Ghraib . Une photo qui ne laisse personne indifférent. Cette photo fut publiée en 2004 par le Washington Post. Ce n’est pas une photo de reporter, ni celle d’un correspondant de guerre. Il s’agit à l’origine d’un cliché pris par un autre soldat pour garder une trace numérique de cet instant, sans doute pensé comme une rigolade entre potes ou soldats.
Ce cliché insoutenable a sauté aux yeux de l’auteure Claudine Galéa qui a fait une fixation sur cette photo. Photo qui se retrouve épinglée chez elle et qui va remuer son esprit en profondeur. Bien sur en premier lieu, il y a l’inhumanité de ce cliché qu’elle dénonce avec force, mais c’est surtout le point de départ à une impressionnante introspection de l’auteure : fascination, sexe, enfance, panne de création,…
Cécile Brune, seule sur la scène, nous fait part de ses réflexions. Cecile Brune, c’est une voix sublime et chaude, un brin rocailleuse, on pourrait fermer les yeux et se laisser porter par sa voix. Mais vous rateriez sa prodigieuse présence sur ce plateau, il faut la voir irradier dans ce décor qui se fait oppressant. Son chemisier bleu turquoise est la seule note de couleur vive dans le gris du décor.
La mise en scène de Stanislas Nordey est d’une simplicité fluide qui met la comédienne en valeur. Nous profitons d’une sacrée leçon de théâtre, son jeu est précis et tout en subtilité. Elle donne vie à ce texte rude et intense avec un rythme qui lui est propre. Nous sommes captifs de son discours, curieux de savoir où ses pensées vont l’emmener. Par moment, nous sommes transpercés par l’effroi, presque en apnée lors de certaines phrases dont l’issue parait incroyable. Lorsque le noir se fait, nous sommes un instant sidérés avant d’applaudir à tout rompre la performance qui vient de se dérouler sous nos yeux. Cécile Brune a les yeux humides lors des saluts, nous aussi.
Au théâtre de la Colline jusqu’au 9 avril 2022.
