Concert classique

Roméo et Juliette

Photo Vincent Pontet

Vérone, Italie.

Guerre et peste sont le quotidien des habitants de la cité. Le grand bal déguisé des Capulet pour l’anniversaire de Juliette vient apporter de la lumière et de la joie dans ce monde bien sombre. Voilà que Roméo de la famille Montaigu, ennemie des Capulet, décide de s’inviter incognito à la fête. Au détour d’un couloir, il est foudroyé par la beauté de Juliette. Le coup de foudre est réciproque. La suite vous la connaissez car elle ne diffère pas du chef d’oeuvre de Shakespeare.

‘Un monde sombre traversé par la lumière’, voilà qui pourrait convenir pour définir le travail de Thomas Jolly en général et c’est particulièrement vrai pour cette version des amours des amants maudits. Alors les esprits chagrins pourraient être tentés de dire que Thomas Jolly a lancé des paillettes comme d’habitude et que comme d’habitude le public, en bon mouton, le suit avec enthousiasme. En réalité Thomas Jolly possède un sens aigu du spectacle et sa mise en scène est magnifique !

Imaginez l’imposant escalier du Palais Garnier (décor : Bruno de Lavenère) avec ses vestales entre autres, transposé sur le plateau de Bastille et ployant sous de nombreux chandeliers. Cet escalier sera de toutes les scènes car il pivote ou tourne sur lui même et dévoile d’astucieux espaces notamment une alcove qui servira pour le mariage de Roméo et Juliette. Pour le bal des Capulet, nous sommes conviés au milieu d’une foule bigarrée où Arlequin côtoie des personnages futuristes aux tenues métallisées (costumes : Sylvette Dequest). La collaboration de Thomas Jolly avec Katja Krüger prend tout son sens dans ce premier acte : le chœur se mélange avec les danseurs qui se déhanchent sur une chorégraphie déchainée de waacking particulièrement réussie. L’ensemble dégage force et puissance soutenu par les lumières d’Antoine Travert digne d’un light show des plus grands spectacles.

Photo Vincent Pontet

Pretty Yende devait être Juliette mais elle était souffrante. La représentation s’est tenue avec Amina Edris et le charme a opéré avec bonheur. Dès le premier acte, elle a ravi le cœur du public avec son air ‘Je veux vivre’ d’une beauté éclatante, même Carlo Rizzi et l’orchestre l’ont applaudi aussitôt fini. Des aigus clairs et cristallins ainsi qu’une belle diction font que cette Juliette fut splendide. Face à elle, son Roméo n’a pas à rougir de sa prestation. En effet, Francesco Demuro nous propose un Roméo passionné dont la voix vibrante nous charme aussi même si parfois les aigus semblent un peu essoufflés. Le couple est ovationné avec enthousiasme à la fin du spectacle.

Florian Sempey est particulièrement à l’aise dans le rôle de Mercutio, le baryton nous ravit avec sa voix claire dans son duel contre Tybalt joué par Maciej Kwasnikowski en grande forme lui aussi. Sa voix monte en puissance dès qu’il reconnait l’infame Roméo et sa colère reste vibrante. Autre pépite saluée par le public, Marina Viotti qui est le jeune Stéphano, sa voix est percutante et pétillante à souhait, elle énerve particulièrement bien le camp Capulet. Jean Teitgen (frère Laurent) avec sa basse profonde nous émeut comme à son habitude. Sylvie Brunet-Grupposo (Gertrude) et Laurent Naouri (Capulet) tiennent leur rôle avec professionnalisme, riches de leurs expériences. La distribution est complétée avec talent par Thomas Ricart qui tire très bien son épingle du jeu avec le rôle de Benvolio. Sergio Villegas Galvain est un Pâris convaincant. Jérôme Boutillier débute parfaitement à l’Opéra de Paris en tant que duc de Vérone. Yiorgo Ioannou est le patibulaire mais réussi Grégorio.

Photo Vincent Pontet

Le Chœur de l’Opéra national de Paris, coaché par Ching-Lieng Wu, est très présent tout au long de l’histoire. Leur chant fait caisse de résonnance dans la joie comme dans le deuil du couple d’amants. Pour finir, c’est le maître Carlo Rizzi qui dirige l’Orchestre de l’Opéra alternant fougue et retenue comme la partition de Gounod alterne entre lumière et ombre.

Une soirée qui mérite de s’y attarder et qui donne envie de revenir pour découvrir les autres interprètes qui chantent en alternance : Elsa Dreisig, Pretty Yende, Léa Desandre, Benjamin Bernheim et Huw Montague Rendall.

Photo Vincent Pontet

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